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Idées reçues

Les plantes sont-elles réellement efficaces pour dépolluer notre intérieur ?

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Lors de votre dernier achat en jardinerie, la plante sur laquelle vous avez jeté votre dévolue était peut-être accompagnée d’une étiquette mentionnant ses bienfaits dépolluants. Grâce à elle, vous pourriez alors améliorer la qualité de votre appartement ou de votre maison. Réelle solution à nos intérieurs pour certains, argument marketing très discutable pour d’autres, nous allons essayer aujourd’hui de démêler le vrai du faux.

La pollution de l’air intérieur : un problème pas si récent

Si aujourd’hui on se plaint de notre qualité de l’air, cette problématique n’en est pas moins nouvelle. 

Réduire la facture électrique en améliorant les nouvelles constructions

Revenons à la fin des années 70. Une époque qui faisait face à une hausse record du prix de l’électricité suite aux chocs pétroliers. Les constructeurs doivent alors réfléchir à de nouveaux designs afin de limiter la perte d’énergie, et donc d’alléger la facture. Pour cela, ils font le choix d’améliorer l’isolation grâce à des matériaux de construction plus étanches, mais réduisent aussi les aérations.

Le problème, c’est que la diminution du renouvellement de l’air ne va pas permettre aux polluants qui nous entourent de se dissiper. Et ces polluants, ils sont vraiment partout : la peinture utilisée sur un mur, les solvants dégagés par notre matériel, les gaz émis par les voitures qui sont transportés à l’intérieur, etc.

Le “syndrome du bâtiment malsain”

Une fois les constructions neuves achevées et occupées, ces bâtiments qui se voulaient modernes avec air conditionné et matériel à la pointe de la technologie, sont finalement la cause de troubles de la santé.

Maux de tête, toux, irritation cutanée, gorge sèche, etc. Des symptômes anodins qui restent assez perturbants. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) se penche sur la question est nommera ce phénomène le “sick building syndrome” (Syndrome du bâtiment malsain, en français). Au début des années 80, ce serait environ 30% des nouvelles constructions qui seraient concernées par ce problème.

Dans un premier temps, on suspecte les micro-organismes d’être la cause de ces troubles qui se multiplient : bactéries, virus, champignons. Le Dr. Tony Pickering va travailler sur ce syndrome, et ses études démontrent que les symptômes sont assez faibles dans les bâtiments naturellement ventilés qui contiennent un taux élevé de micro-organismes. À contrario, les mêmes symptômes sont plus nombreux dans un bâtiment avec peu de micro-organismes, mais ventilé mécaniquement. 

Finalement, ce sont bel est bien les polluants chimiques qui sont la principale cause des troubles liés au syndrome du bâtiment malsain. La NASA, qui alertait déjà sur ce sujet depuis plusieurs années, va ainsi chercher un moyen pour limiter cette pollution de l’air intérieur.

Ce que nous disent les études scientifiques sur la dépollution par les plantes

L’effet purifiant des plantes dans un environnement très pollué

Et si les plantes étaient une solution à la fois prometteuse et économique ? En 1989, une étude menée sur deux ans par B.C. Wolverton et supportée par la NASA va se pencher sur la question, en développant un système de purification d’air qui combine des plantes et du charbon actif (voir schéma ci-dessous). Différentes espèces de plantes sont exposées à une concentration plus ou moins élevée de benzène, de trichloroéthylène et de formaldéhyde. Ces solvants et composés organiques sont fréquemment retrouvés dans nos intérieurs : peintures, vêtements, résines, etc.

Système de purification de l’air intérieur combinant plantes et charbon actif (NASA)

Sur les différentes espèces testées, les résultats de l’étude ont montré que certaines plantes seraient particulièrement efficaces. Par exemple, le lierre (Hedera helix) serait efficace sur le benzène (-89.8%), et la Fleur de lune (Spathiphyllum “Mauna Luna”) a montré quant à elle une efficacité sur le trichloréthylène (-23%). Dans la liste des plantes qui ont réussi à éliminer considérablement les polluants testés, on peut également citer le pothos doré (Scindapsus aureus), le dragonnier (Dracaena Marginata) ainsi que les chrysanthèmes (Chrysanthemum morifolium).

Le programme Phyt’Air

La France n’est pas en reste concernant les recherches sur l’effet des plantes sur l’amélioration de la qualité de l’air. En 2003, la faculté de pharmacie de Lille, en collaboration avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) de Nantes, lance le Programme Phyt’Air

Au cours de cette recherche, réalisée en trois phases, les chercheurs commencent par tester trois plantes que l’on trouve assez fréquemment dans nos habitations, et qui avaient déjà fait leurs preuves dans l’étude de Wolverton : la plante araignée (Chlorophytum comosum), le dragonnier (Dracaena marginata) et le pothos doré (Scindapsus aureus). Finalement, seul le pothos doré sera gardé pour les phases II et III. Au niveau des polluants sélectionnés, on retrouve une nouvelle fois le benzène et le formaldéhyde, mais aussi le monoxyde de carbone (CO).

Le programme va confirmer que les espèces ne sont pas toutes aussi efficaces pour améliorer la qualité de l’air, et que les résultats diffèrent aussi d’un polluant à l’autre : le pothos doré va par exemple faire diminuer la concentration de CO de 80%, mais n’élimine que 5% du benzène.

Le conseil de la team Pothos

Bien sûr, ce ne sont pas les deux seules études menées, mais j’ai préféré me concentrer sur celles-ci uniquement car elles étaient particulièrement documentées et sourcées. Je vous invite d’ailleurs à les lire en entier (voir sources en fin d’article) si le sujet vous intéresse. 

Savoir nuancer les résultats de ces recherches sur la fonction purifiante des plantes

Je suis désolée de vous décevoir, mais malgré ces deux études qui sont, sur le papier, très prometteuses, l’utilisation de plantes pour dépolluer un intérieur n’est pas si miraculeuse que ça… 🙁

Des conditions d’études trop éloignées de nos intérieurs

Déjà, il faut bien se rendre compte que nos intérieurs n’ont rien à voir avec un laboratoire. La concentration de polluants n’est par exemple jamais aussi élevée dans notre quotidien (ou alors il y a un sérieux problème dans votre logement !). Aussi, les plantes étaient exposées à un seul et unique polluant à la fois, alors que dans nos maisons, ce sont plusieurs polluants différents qui nous entourent. 

La troisième phase du programme Phyt’Air s’est justement intéressée à l’application de ces résultats dans une configuration plus proche de nos intérieurs. Pour cela, les tests ont été faits avec seulement 4 jardinières par pièce, et malheureusement, on s’aperçoit que l’efficacité des plantes est quasi nulle. 

Le rôle du sol et des micro-organismes dans l’absorption des polluants

Lors de l’étude de Wolverton, les plantes n’ont pas été le seul élément analysé. Le sol et ses micro-organismes, ainsi que l’utilisation de charbon actif, ont été des facteurs indissociables de la diminution des polluants observée. Afin de déterminer quels étaient les mécanismes exacts de la purification de l’air, l’expérience a aussi été faite en recouvrant le sol de gravier et de feuilles, ainsi qu’en retirant les feuilles les plus basses de plantes.

Suite à cela, les chercheurs se sont rendus compte que si le sol était recouvert, la diminution des polluants était moindre. Il faut en effet que l’air soit directement en contact avec le substrat pour que cela soit efficace. Autre fait intéressant, plus une plante et son sol sont exposés longtemps aux polluants, plus son pouvoir dépolluant est efficace. Ce phénomène s’explique par la capacité des micro-organismes du sol à s’adapter génétiquement à leur environnement, ce qui va leur permettre d’utiliser les produits toxiques comme source de nourriture. 

L’amélioration de la qualité de l’air ne vient donc pas uniquement de la plante : il s’agit d’un tout. L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), qui a participé au financement du programme Phyt’Air, n’a d’ailleurs pas validé scientifiquement l’argument de “plantes dépolluantes”, et recommande plutôt la ventilation et l’aération pour améliorer la qualité de l’air intérieur.

Même si au fond, les plantes ont bien un pouvoir dépolluant, elles ne sont donc pas aussi efficaces qu’on pourrait l’espérer dans nos intérieurs. Faites donc attention aux indications de “plantes dépolluantes” : bien que cela soit fondé sur des études scientifiques, il s’agit avant tout d’un argument marketing puisque l’amélioration de la qualité de l’air reste assez anecdotique.

Sources

Écrit par

julie_and_the_calatheas

Destinée à une relation de "je t'aime, moi non plus" avec les calatheas, je persiste à aimer les plantes et à vouloir vous partager cette passion.


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